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Des interrogations
- Si l’on s’accorde consensuellement sur l’option de la refonte du fichier électoral, y a –t- il raison de s’accorder par induction de la durée de 16 mois et 1 jour assignée à cette opération par la CENI ? Alors que les expériences de la reconstitution des fichiers électoraux de 2006 et 2011 n’avaient jamais dépassé cinq mois d’identification et enrôlement des électeurs. Qu’est-ce qui fait alors la spécificité de l’actuelle opération de la refonte du fichier électoral pour qu’elle exige plus de seize mois ? Quel effort la CENI a-t-elle fait sur le plan technique pour que le timing des opérations d’identification et d’enrôlement soit écourté, alors que non seulement la technologie adoptée est dite performante et perfectionnée, mais aussi que certains obstacles de 2006 et 2011 ont été relativement jugulés, encore qu’elle est tenue à l’impératif constitutionnel du respect du délai? Qu’est-ce qui indique que la CENI a fait preuve de volonté technique et a consenti quelques efforts pour gérer les impératifs constitutionnels et sociopolitiques du contexte électoral actuel?
- Les travaux de la commission thématique Elections ont recommandé la réduction des aires opérationnelles du déploiement pour l’enrôlement des électeurs. A quel niveau la CENI prend-elle cette recommandation en compte au travers des différentes propositions des échéances qu’elle explose pour la tenue des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales?
Il y a lieu de souligner sans crainte d’être contredit par quiconque que la durée assignée à l’actuelle refonte du fichier est vainement longue, mieux politiquement excessive.
Ceci nous amène à constater que la CENI fait malencontreusement une exploitation politique des questions techniques.
- Approche technique
La meilleure solution pour revoir la durée de la réalisation du fichier électoral à la baisse, à défaut de recourir à une technologie de dernière génération (solution politiquement évitée), serait de réduire les aires opérationnelles du déploiement pour l’identification et enrôlement des électeurs en deux ou trois aires opérationnelles (la durée de l’opération par aire opérationnelle peut également être relativement écourtée à 45 ou 60 jours). Ceci permettra de gagner trois à quatre mois sur les 16 mois prévus initialement par la CENI. Aucune répercussion n’est envisagée sur l’ensemble de l’opération, si elle est rationnellement et systématiquement planifiée avec un accompagnement technique et logistique efficace.
Au contraire, cette option a l’avantage heureux de rendre disponibles la loi électorale et la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale (qui semble constituées une contrainte légale) au travers de la session parlementaire de mars 2017.
La solution probable aux craintes y relatives évoquées par la CENI, dans ses interventions aux assises du dialogue, serait le renforcement de la capacité logistique et technique de la gestion du déploiement quasi-simultané ou synchronisé. Une autre stratégie serait de renforcer la transparence dans la gestion de ladite opération, de façon à impliquer la majorité des acteurs parties prenantes. Il n’y a rien d’impossible. Cela suppose, de ce fait, que la livraison des Kits électoraux par le fournisseur se fasse en deux tranches, à raison de plus ou moins 10.000 par livraison. Le plan de livraison des Kits électoraux, sources d’énergie et cartes d’électeur été fixé par la CENI lors de l’appel au recrutement du fournisseur, sans malheureusement tenir compte des contraintes juridiques et sociologique dudit processus électoral. La possibilité de renégocier ne connaîtra, à notre avis, aucun heurt ; étant donné que l’entreprise GEMALTO a déjà encaissé les fonds y afférents.
D’autre part, il est important de mettre sur pied une commission officielle d’experts (Partenaires Techniques et Financiers, Partis politiques, Société Civile, CENI, Gouvernement) à affecter à une mission de suivi-évaluation de l’opération pilote du Nord-Ubangi, afin d’identifier objectivement les problèmes techniques, logistiques, sociologiques et autres qui entravent l’opération dans ce pool de démarrage. Car les rapports adressés par nombre d’observateurs de l’opération sont désenchantants. Or si ce début n’est pas bien géré, il aura une incidence temporelle grave sur l’ensemble de l’opéation.
Il faut donc considérer comme postulat majeur, la réduction de la durée de l’opération de la refonte du fichier électoral en cours. C’est la clé de la solution pour la trouvaille d’une date rapprochée qui ne serait pas un grave contrecoup au délai constitutionnel et répondrait aux attentes de la population.
- Par approche comparative, en parcourant les différents calendriers électoraux des cycles électoraux antérieurs, Il est à noter ce qui suit :
- En 2006, de l’appel à candidature (dépôt des candidatures) pour les scrutins présidentiel et législatifs au jour du vote, le calendrier indique une durée de 3 mois, soit, du 10 mars au 18 juin 2006 ;
- En 2011, de l’appel à candidature des scrutins présidentiels et législatif national au jour du vote du président de la république et des députés nationaux, le calendrier indique une durée de près de 4 mois, soit du 4 août au 28 novembre 2011. Il faut souligner que les irrégularités qui ont entaché les élections de 2011 ont été dues à la mauvaise coordination et gestion des centres de compilation, à l’existence des bureaux de vote fictifs et au nombre excessif de vote par dérogation. Or, à ce jour, l’actuelle CENI a fait un travail très appréciable et efficace à même d’éviter la réédition de ces écueils ;
- Selon le calendrier électoral global du 12 février 2015, de l’inscription des candidats pour l’élection présidentielle et les élections législatives nationales au jour des scrutins combinés présidentiel et législatif, il y a une durée de six mois et demie. L’écart prévu par ce calendrier est, il faut le souligné quelque peu excessif.
Encore que ce calendrier plaçait le vote de la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale trois mois avant l’audit du fichier électoral, au lieu de l’inverse.
Pour n’évoquer que ces illustrations, la RDC n’a pas élargit sa superficie et les problèmes infrastructurels n’ont plus la même ampleur qu’en 2006 (espace électoral vierge) et 2011, d’une part. D’autre part, ces calendriers ont été élaborés par les mêmes experts électoraux qui ont, à ce jour, le leadership de la CENI, bien qu’il soit opposé le fait que le nombre d’électeurs aura augmenté de plus d’un tiers. Quelles sont la particularité et les exigences liées à la prochaine élection présidentielle, législatives pour leur accorder un aussi énorme bénéfice du temps ? Quel est le diable caché qui est craint pour que surtout l’élection présidentielle devienne question ésotérique et secret de polichinelle ? Au contraire, Ces élections devraient requérir exceptionnellement l’impératif temporel, vu les défis juridiques, politiques et sociaux à relever.
Quant aux exigences et contraintes juridiques :
- Sauf pour l’élection du Président de la République dont la durée est réglée par la Constitution (art 73), la loi électorale en vigueur ne fixe pas la durée pour la convocation de l’électorat et l’appel à candidature pour tous les autres scrutins. La loi remet cela aux prérogatives de la CENI à travers le calendrier électoral (articles 11, 16, 24, 25, 105).
Il est à noter qu’il y a un recoupement des circonscriptions électorales pour les trois scrutins combinés : territoire national (président de la république), villes, territoires et regroupement des communes pour Kinshasa (élections législatives nationales) et ville, territoire et commune (élections législatives provinciales).
- La loi demande même que le traitement des dossiers des candidatures se fasse progressivement et que la publication des candidatures retenues se fasse trois jours après pour l’élection présidentielle (article 106) et cinq jours après la date limite de l’enregistrement pour les élections législatives nationales et provinciales. Et les durées d’enregistrement des candidatures prévues par les anciens calendriers sont en moyenne de 30 jours.
- Par rapport aux contentieux des candidatures, la loi prévoit que les Cours et tribunaux soient saisis dans 48 heures (article 107), et que le traitement des réclamations et contentieux se fasse en 7 jours pour tous les scrutins (article 107).
Ainsi les calculs suivants :
– plus ou moins 30 jours+3 jours+2 jours+7 jours, soit 1 mois, 12 jours pour l’élection présidentielle ;
– plus ou moins 30 jours+5 jours+2 jours+7 jours, soit 1 mois 14 jours.
Les durées de l’appel à candidature de ces trois scrutins ne sont pas cumulatives. L’appel peut être fait le même jour pour les trois scrutins et tenir compte de la durée la plus longue ; soit plus ou moins 50 à 60 jours.
– Il est important de différer les dates de la fin des différentes opérations d’enregistrement des candidatures, en commençant par le scrutin présidentiel pour faciliter le travail de la Cour constitutionnelle qui aura à traiter des contentieux des scrutins présidentiel et législatif national, alors que le contentieux des candidats députés provinciaux est traité à la Cour d’Appel. Question de renforcer la gestion au niveau de l’administration judiciaire électorale.
- La campagne électorale pour les trois scrutins prendra 30 jours auxquels il faut ajouter les 24 heures de pause avant le jour des scrutins, soit 31 jours.
Il se dégage donc un besoin de plus ou moins 90 jours, soit 3 mois avant le jour du vote. Et si l’on peut se donner un mois en plus pour les opérations administratives et techniques (formations, production du matériel sensible et non sensible), afin de ne pas trop être sous la pression du temps; cela donne un total de 4 mois 1 jour, soit 121 jours.
- La loi électorale et la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale peuvent être soumises au vote à la session parlementaire du mois de Mars 2017 au cas où la durée de la refonte du fichier électoral peut être réduite, sinon à la session du mois de septembre 2017. L’on peut aussi opter pour une session extraordinaire pour le besoin de la cause.
- Puisque l’OIF avait initialement prévu qu’après le fichier électoral, il suffit de 105 jours, soit 3 mois pour organiser l’élection du président de la république. Comment l’OIF peut-elle expliquer ce grand écart avec les estimations de la CENI? Dès lors, bien que la CENI ait opposé la nébuleuse question des contingences/contraintes opérationnelles, techniques et légales à l’option de l’OIF, faut-il vraiment avoir besoin de 17 mois pour répondre à ces contraintes et réussir l’organisation des élections combinées présidentielle et législatives nationales et provinciales? Ceci laisse voir une exploitation des contingences techniques, opérationnelles et légales.
Si l’on devra avoir ces trois scrutins de la première séquences consensuelle 17 mois après la date de la fin du fichier électoral, y a-t-il lieu d’estimer que les élections locales, défendues également comme prioritaires se tiennent après plus ou moins 36 mois ?
III. De la proposition
Estimations faites sur base des réalités et des anciennes planifications de la même CENI, avec les mêmes experts détenant le leadership actuel de la Centrale électorale :
- Au cas où on opte pour la réduction des aires opérationnelles de l’enrôlement, on peut être capable d’organiser ces élections au plus tôt en octobre 2017;
- Au cas où on s’en tient par contre à la durée de la CENI pour l’enrôlement, c-à-d 16 mois, on sera à même d’organiser ces scrutins au plus tard janvier 2018, soit plus ou moins 7 mois après le fichier électoral. Cette alternative est très contraignante en termes de temps et ne bénéficie pas de l’acceptation des populations congolaises.
- Des principales dates
Des dates importantes suivantes répondraient comme solution à la crise actuelle :
- Alternative 1: En réduisant la durée de l’enrôlement des électeurs
- Avril 2017 : Fin du fichier électoral et consolidation progressive des données ;
- Mai 2017 : Finalisation de la Consolidation des données, Audit externe du fichier électoral, autres activités administratives et vote de la loi électorale et loi sur la répartition des sièges par circonscriptions électorales à la session parlementaire de Mars 2017 ;
- Juin 2017 :
- Convocation de l’électorat et inscription des candidats pour les élections présidentielles, législatives nationales et provinciales ;
- Activités administratives et logistiques
- Juillet – septembre 2017 :
- Publication listes définitives des candidats pour les trois scrutins ;
- Production du matériel électoral non sensible et sensible
- Formation des agents électoraux et leur déploiement
- Déploiement progressif du matériel électoral
- Septembre – Octobre 2017 :
Campagne électorale pour les élections présidentielle, législatives nationales et provinciales
- Octobre 2017 :
Vote du président de la République, des députés nationaux et députés provinciaux
- Novembre 2017 : Passation de pouvoir entre président entrant et président sortant.
- Janvier 2018 : Elections des gouverneurs, vice-gouverneurs et Sénateurs.
- Juillet 2018: Elections municipales et locales du scrutin direct
NB : Ces indications calendaires peuvent être déroulées sans faille dans un calendrier détaillé à même de tenir à ces principaux repères.
Alternative 2 : En tenant compte des 16 mois du fichier préconisée par la CENI[1]
- Juillet- Août 2017 : Audit externe du fichier électoral et autres activités administratives ;
- Août 2017: Préparation du projet de la loi électorale et la loi sur la répartition des sièges par circonscription électorale et autres activités administratives ;
- Septembre 2017: vote et promulgation de la loi électorale modifiée et de celle sur la répartition des sièges par circonscription électorale (cela est possible, car en 2011, on a eu seulement besoin de plus ou moins 15 jours pour modifier la constitution. Et avec une volonté politique manifeste en faveur des élections, une session parlementaire extraordinaire ne peut s’avérer pas impossible) ;
- Octobre 2017: convocation de l’électorat et inscription des candidats pour les trois scrutins combinés présidentiel, législatifs national et provincial
- Janvier 2018: Vote pour les scrutins présidentiel, législatif national et provincial
- Janvier 2018: Passation de pouvoir entre le Président entrant et le président sortant.
- Avril 2018: Elections des gouverneurs, vice-gouverneurs et sénateurs ;
- Novembre 2018: Elections municipales et locales du scrutin direct.
Il convient dès lors que
- soit mis sur pied un plan efficace de gestion collégiale des contingences techniques, opérationnelles, logistiques, légales et financières ainsi que sécuritaires, surtout qu’il sera vécu un moment chaud de trois différentes campagnes électorales ;
- soit mis sur pied un plan de gestion des risques liés aux élections (gestion concertée société civile-CENI)
- soit menée en profondeur et dès à présent la campagne d’éducation électorale et de d’éducation à la paix et la non-violence.
- renforcés et rendu opérationnels les cadres de concertation CENI-Parties prenantes ;
- Programme du monitoring des violations de droits humains liés aux élections ;
- Mis sur pied les mécanismes de sécurisation des acteurs de la société civile impliqués dans les élections et les droits de l’homme.
Fait à Kinshasa, le 26/09/2016
Gérard BISAMBU
Secrétaire Exécutif AETA
Expert électoral
Email : philoj2002@gmail.com
[1] Cette alternative n’a nullement intention de prêter le flanc à l’option politique de la CENI qui consiste à prendre bonnement son temps au détriment des exigences légales actuelles. Sa réussite fait, du reste, face à aux contraignantes temps et logistiques). Elle est, de ce fait, peu recommandable.
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